samedi 28 novembre 2009

Une bonne série de raisons d'entrer dans Rome ...








Vous les reconnaissez ?
... ces deux Romains aux aguets, dans les sous-bois, sur les bas-côtés d'une Histoire en marche, une Histoire dont les soubresauts énormes font trembler le sable et le sang de l'arène où les puissants, gorgés d'ambition, sont prêts à s'entre-déchirer, avec stratégie, en un affreux et raffiné tournoi qui courra plus de vingt années ...
Eux, simples soldats, sont les héros de la petite histoire, les hommes de main, qui perdent pied dans le torrent furieux du cours des choses. Des Romains comme probablement il y en eut, avec leurs rugosités, leurs dieux, leurs us, leur ténacité, leurs douleurs, leurs manières de voir et de penser. Mais s'ils nous sont également familiers, ces deux-là, c'est que nous les avons inventés, c'est qu'ils sont aussi de notre temps, qui leur a donné chair et vie. En tout cas, c'est ce qu'ont fait les scénaristes de la série Rome, illustre saga retraçant les années terribles de la guerre civile qui, au premier siècle avant Jésus-Christ, verront s'effondrer la vieille République, crachant le sang et impotente, bientôt foulée aux pieds. Elle succombera sous la poigne intraitable du jeune Octave, futur Auguste, que cette série nous donne à voir dans la métamorphose qui, de l'enfant docile et renfermé qu'il a peut-être été, l'amène à devenir aigle aux serres d'acier.
Dans ce long film, remarquablement documenté, les deux soldats, Lucius Vorenus et Titus Pullo se taillent une part de roi : celle de la fiction. Leur vie est un feuilleton dont les péripéties font durer notre plaisir.
Toutefois, sous leurs oripeaux contemporains résonnent un nom ancien, romain, authentique !
Car, les deux compères semble-t-il, ont bel et bien existé. On ne sait rien d'eux, de leur vie, du regard qu'ils ont jeté sur l'époque tourmentée qui les a vu naître et mourir. Mais les créateurs de la série Rome sont allés réveiller leur âme au coeur de l'une des sources les plus fondamentale à la connaissance de ce temps-là : dans son récit, ses commentaires sur la Guerre des Gaules, Jules César mentionne effectivement les noms de deux de ses hommes, parmi les plus valeureux. Un camp romain est assiégé par les tribus gauloises, les Nerviens donnent l'assauts. C'est à cette occasion que Jules César a cru bon de saluer les mérites de deux centurions, qui seuls parmi les innombrables cohortes qui lui emboîtèrent le pas, jouiront du privilège de voir leur nom et leur mémoire cheminer de siècle en siècle, jusqu'aux parages de nos petits écrans : Lucius Vorenus, et Titus Pullo !
Voici le paragraphe, seul et unique, qui leur est consacré :

Erant in prima legione fortissime viri, centuriones, qui primus ordinibus appropinquarent, Titus Pullo et Lucius Vorenus. Hi perpetuas inter se controversias habebant, quinam anteferretur, omnibusque annis de locis summis simultatibus contendebant. ex his Pullo, cum accerime ad munitiones pugnaretur, "Quid dubitas," inquit "Vorene ? aut quem locum tuae probandae virtutis exspectas ? hic dies de nostris controversiis judicabit." Haec cum dixisset, procedit extra munitiones quaque pars hostium confertissima est visa irrumpit. ne Vorenus quidem tum sese vallo continet, sed omnium veritus existimationem subsequitur. Mediocri spatio relicto Pullo pilum in hostes immittit atque unum ex multitudineprocurrentem trajicit ; quo percusso et exanimato hunc scutis protegunt, in hostem tela universi conjiciunt neque dant regrediendi facultatem. Transfigitur scutum Pulloni et verutum in balteo defigitur. Avertit hic casus vaginam et gladium educere conanti dextram moratur manum, impeditumque hostes circumsistunt. Succurrit inimicus illi Vorenus et laboranti subvenit. Ad hunc se confestim a Pullone omnis multitudo convertit : illum veruto arbitrantur occisum. Gladio comminus rem gerit Vorenus atque uno interfecto reliquos paulum propellit. ; dum cupidius instat, in locum dejectus inferiorem concidit. Huic rursus circumventto fert subsidium Pullo, atque ambo incolumes compluribus interfectis summa cum laude ses intra munitiones recipiunt. Sic fortuna in contentione et certamine utrumque versavit, ut alter alteri inimicus auxilio, salutique esset, neque dijudicari posset, uter utri virtute anteferendus videretur.
C. Julius Caesar, De bello Gallico, V, 44.

Qu'est-ce à dire ? dites-vous ....

Voilà ce que l'on peut proposer comme traduction :
Dans cette légion, il y avait des hommes d'une exceptionnelle bravoure, deux centurions, pour ainsi dire, de premier ordre : Titus Pullo et Lucius Vorenus. Entre eux régnait une querelle permanente, pour savoir qui l'emporterait, et chaque année, ils rivalisaient pour figurer au meilleur rang et monter en grade. L'un d'eux, Pullo, un jour que le combat faisait rage tout près des remparts du camp, s'exclama : "Qu'attends-tu Vorenus ? quelle autre occasion de prouver ta valeur espères-tu ? C'est aujourd'hui que notre querelle sera tranchée !" Sur ces mots il s'avança hors des fortifications et s'élança du côté où l'armée ennenie semblait la plus dense. Alors, Vorenus ne reste pas non plus à couvert, mais redoutant l'opinion des autres, il bondit à sa suite. Pullo, à faible distance de l'armée des ennemis, propulse son javelot, et transperce l'un d'eux, sorti des rangs, qui courait sur lui ; l'homme, frappé, mourant, tombe, et les autres le couvrent de leurs boucliers, puis jettent tous ensemble leurs javelots sur l'assaillant, sans lui laisser le temps de se ressaisir. Le bouclier de Pullo est transpercé, une pointe vient se ficher dans son ceinturon. Le coup a bougé son fourreau et il est gêné pour, de la main droite dégainer à temps son glaive. Il s'y efforce quand les ennemis l'encerclent. Son rival, Vorenus, accourt, et lui vient en renfort dans cette mauvaise passe. Aussitôt, tous abandonnent Pullo, convaincus que le javelot a eu raison de lui, et se tournent vers le nouveau venu. Vorenus engage le combat au corps à corps, tue un adversaire, et repousse un peu les autres. Tandis qu'il bataille avec ardeur, basculant au creux d'un talus, il tombe à terre. C'est à son tour d'être encerclé, et Pullo, lui, se porte à son secours : puis, tous deux, sains et saufs, non sans avoir fait de nombreuses victimes, regagnent l'abri des remparts sous les vivats, acclamés comme jamais. Entre les deux compétiteurs à la lutte, le sort favorisa l'un autant que l'autre, de telle sorte que tous deux en vinrent à se prêter assistance et se sauvèrent la vie : il n'y eut pas moyen de trancher entre eux, l'un comme l'autre pouvait prétendre l'emporter par sa bravoure.


Dans le rôle de Lucius Vorenus, l'acteur Kevin Mc Kidd.


dans le rôle de Titus Pullo l'acteur Ray Stevenson

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