lundi 29 septembre 2008

la mort de Sénèque

Voici les reproductions, en couleurs, des oeuvres ayant pour sujet la mort de Sénèque :



Le premier tableau est une oeuvre de Luca Giordano, datée de 1684. On peut la voir au musée du Louvre.










Cette oeuvre fait l'objet d'un commentaire et d'une présentation détaillée sur le site de l'éducation nationale educnet. N'hésitez pas à vous y rendre, vous y lirez notamment le récit de cette mort immortalisée par l'historien romain Tacite : http://www.educnet.education.fr/louvre/mort/mortsen.htm






Le second tableau, portant le même titre, est dû à Joseph Noël Sylvestre (Huile sur toile - 257 x 215 Musée des beaux-arts de Béziers )

Cet artiste natif de Béziers compte parmi ceux que l'on nomme par dérision les peintres pompiers à la fin du XIXe siècle. Il s'agit d'une peinture académique, grandiloquente et souvent prétentieuse, ne serait-ce, bien souvent, que par la démesure des formats utilisés. Ici vous pouvez noter la théâtralité excessive de la scène résultant des grands gestes que font les personnages, des émotions violentes qui se lisent sur les traits déformés des disciples du philosophe. Sénèque y paraît d'ailleurs comme une figure de Christ sur la croix.

En bas à gauche, un secrétaire, sur un parchemin, prend note des dernières volontés du condamné.
En haut à droite un visage de soldat romain rappelle les circonstances : l'arrêt de mort décidé par Néron.
A l'arrière-plan, déjà agonisante, l'épouse de Sénèque, qui a choisi de subir le même sort que son mari.

dimanche 21 septembre 2008

Néron

En prolongement, si vous voulez découvrir plus en détails le terrible Néron, dernier empereur de la dynastie des Julio-claudiens qui régna de 54 à 68, suivez le lien suivant :

http://www.empereurs-romains.net/emp06.htm

Quo vadis ? 2 (suite et fin)

L'incendie de Rome en 64 est une réalité historique, et c'est l'écrivain latin Suétone (75 -160) qui , dans sa biographie de l'empereur, l'accuse d'être l'instigateur intéressé de ce fléau : "En effet, sous prétexte qu'il était choqué par la laideur des anciens édifices, par l'étroitesse et par la sinuosité des rues, il incendia Rome". Il le présente alors, ravi du spectacle, chantant face au crépitement monstrueux des flammes : "Néron contemplait cet incendie du haut de la tour de Mécène [sur l'Esquilin ] et charmé, disait-il, "par la beauté des flammes", il chanta la prise d'Ilion [Ilion = Troie - il s'agit ici d'un poème de sa composition] dans son costume de théâtre."

Evidemment c'est de ce texte que se sont servis les scénaristes du film pour imaginer la scène que vous avez pu voir dans l'extrait précédent. Mais la crédibilité de cette version des faits est contestée par les historiens modernes. Il semble que Néron, absent de Rome lorsque l'incendie -probablement accidentel - s'est déclaré, se soit empressé de regagner la capitale une fois informé du sinistre. Il aurait alors organisé les secours, participé à la lutte contre le feu, qui ne fut pas vaincu avant plusieurs jours (six jours et sept nuits, dit Suétone).

Néron était très populaire auprès du peuple, grâce aux cadeaux qu'il faisait distribuer, aux nombreux spectacles qu'il offrait pour le plus grand plaisir de tous. Il n'empêche que le bruit courut de sa responsabilité dans cette effroyable catastrophe dont le peuple fut une des premières victimes. Il est vrai qu'il se montra particulièrement heureux de pouvoir rebâtir les zones détruites suivant de nouveaux plans, répondants mieux à son ambition et à ses caprices !

Aussi, pour couper court à cette vague de mécontentement, ce furent les Chrétiens que l'on accusa. Néron leur fit porter la responsabilité de l'incendie, détournant ainsi la colère du peuple sur ces gens qui n'avaient pas trop bonne réputation à l'époque et que les Romains percevaient comme une nouvelle secte juive. Il devint donc le premier empereur à persécuter les Chrétiens, au cours de cette campagne répressive qui conduisit à l'arrestation et à la mise à mort d'un certain nombre de personnes.

C'est ce que veut montrer la fin du film : le martyre des Chrétiens. Ces spectacles, d'une grande cruauté, ont donc existé dans la Rome impériale, mais ils furent occasionnels, et si des prisonniers pouvaient être ainsi exécutés lors de mises en scène offertes en spectacle, les Chrétiens ne furent que très rarement exposés à de tels supplices.

Un autre détail d'importance : l'arène, les gradins, les lions ... on se croirait au Colisée, le grand amphithéâtre de Rome, également nommé l'amphithéâtre flavien. Impossible pourtant. Sa construction ne fut lancée qu'en 80, soit quinze ans après cet épisode de l'incendie et de la persécution des Chrétiens : Néron était mort depuis plus de douze ans.

Sous Néron ce genre de spectacles avaient lieu dans un amphithéâtre de bois dressé sur le champ de Mars, vaste zone au nord-est du Capitole.

On se croit à Rome, mais on est tout autant à Hollywood, ne l'oubliez pas !

Et donc Lygie et ses amis voient leur sort s'assombrir, ils attendent leur tour dans les cachots qui jouxtent l'arène. (On voit ici l'apôtre Pierre qui les y rejoint)


Et voici Lygie exposée à son tour, sous les regards de la foule, sous les yeux de Marcus Vinicius (Robert Taylor) l'homme qui l'aime et que Néron fait venir à sa tribune, où vous retrouvez la cruelle et jalouse Poppée, sa compagne.

Or, plus de lions désormais. Vous direz peut-être que c'est fort compréhensible, qu'il est bon de varier les plaisirs. Mais il est sûrement plus pertinent de se souvenir de l'histoire de sainte Blandine pour apprécier à sa juste valeur l'apparition du taureau.
Blandine est une jeune esclave romaine, elle sera elle aussi conduite dans l'arène, mais la scène se passe à Lyon, dans l'amphithéâtre des trois Gaules, au pied de la colline de la Croix-Rousse, et en 177, à savoir sous le règne de Marc Aurèle. Si cette Blandine a laissé son nom au palmarès des saints martyrs, c'est que le spectacle fut d'une nature bien différente de ce que la foule attendait : d'abord les lions se tinrent à distance, épargnant la jeune fille ; puis on voulut, nous dit la légende, la mettre à rôtir sur un grill ; cela ne lui fit ni chaud ni froid. Vient alors le taureau auquel on la livra ficelée : elle en réchappa. Il fallut l'achever à coups de glaive.
Sainte Blandine est la patrone des servantes, elle symbolise l'humilité des premiers Chrétiens, en même temps que leur foi vaillante destinée à tenir tête à la brutalité des Romains, puis à triompher du paganisme de l'Empire.
Très souvent elle fut représentée attachée au poteau, face au taureau menaçant. Il n'est pas difficile de reconnaître dans la scène du film ces références iconographiques, et on comprend bien les raisons de ce choix : Lygie elle aussi est une esclave, et en l'assimilant ainsi à Blandine son triomphe prend une autre dimension, beaucoup plus vaste. Le dénouement ne se referme pas sur le destin particulier des personnages de l'histoire, du récit ; il ouvre au contraire sur la perspective du monde chrétien tout entier dont l'avènement - en dépit des obstacles et des souffrances -, la grandeur à venir, sont ainsi clairement annoncés. La présence de l'apôtre Pierre, premier pape et fondateur de l'Eglise chrétienne dit bien sûr la même chose.

Alors Lygie s'en sortira-telle vivante ?

Ne peut-elle compter sur son ami Ursus (l'ours en latin) un esclave à la force herculéenne, prêt à braver tous les dangers pour protéger la vie de la jeune femme ?

jeudi 18 septembre 2008

Quo vadis ?





Quo vadis, c'est une petite phrase latine : traduction "Où vas-tu ?"


Il s'agit d'une allusion à la question qu'aurait posée saint Pierre fuyant Rome et rencontrant le Christ portant sa croix : « Quo vadis, Domine ? » (« Où vas-tu, Seigneur ? »).



Avant tout, Quo Vadis est un roman à succès écrit par un auteur polonais, Henryk Sienkiewicz (1846 - 1916), publié en 1885, et qui lui permettra d'obtenir le prix Nobel de littérature en 1905.


Par la suite, plusieurs films en proposeront des adaptations, et ce dès l'époque du cinéma muet, la première de ces adaptations datant de 1901.


Mais Quo vadis c'est surtout le titre d'un célèbre peplum hollywoodien réalisé en 1951 par Mervyn Leroy. Si ce réalisateur n'est pas des plus illustres, en revanche, à l'affiche de ce film on trouve quelques noms de stars : encore jeune à l'époque, Peter Ustinov (image ci-dessus : dans le rôle de Néron. Vous le connaissez peut-être mieux sous les traits d'Hercule Poirot, dans une version de Mort sur le Nil sortie en 1978)), Deborah Kerr, ou Robert Taylor (tous deux sur l'image en haut à gauche, dans les rôles de Lygie et du consul Marcus Vinicius)


De quoi s'agit-il : En 64 après Jésus-Christ, à Rome, le consul Marcus Vinicius tombe amoureux d'une esclave, Lygie, qui appartient à l'empereur Néron. Ce dernier lui en fait cadeau, mais Lygie s'échappe grâce à son ami le colosse Ursus et se réfugie chez les chrétiens. Marcus est bouleversé par sa rencontre avec ces premiers croyants. Bien sûr cette année 64 est celle du grand incendie qui ravage Rome, et dont Néron accusera les Chrétiens : il les fait pourchasser et supplicier.

Dans l'entourage du tyran on reconnaît quelques personnages historiques bien connus, comme les auteurs latins Sénèque (interprété par Nicholas Hannen), et Pétrone (Leo Genn), ou le féroce Tigellin, chef de la garde prétorienne, la légion spéciale, dévouée à l'empereur :

Regardez cet extrait du film (en anglais). Vous y verrez Néron, qui se voulait un grand artiste, essayer ses nouvelles oeuvres auprès de ses familiers, pas forcément très enthousiastes. Sont présents Sénèque, et Pétrone, que l'empereur hésitant sur la bonne expression à adopter pour son nouveau poème s'empresse de consulter avant tout autre. Suit la scène de l'incendie de Rome, où l'on voit le prétendu artiste s'enflammant pour le spectacle et en pleine inspiration, lui qui devra pourtant affronter la colère du peuple furieux de cette nouvelle catastrophe qui l'accable.












mercredi 10 septembre 2008

augurato

Salvete Discipuli,

J'espère avoir le plaisir de vous retrouvez ici, sur la toile (web, en anglais, mais tela, ae, f. en latin) pour vous faire découvrir plus en détail certains aspects de la littérature et de la civilisation romaines, abordés toujours trop rapidement dans le cadre de la classe. Mon objectif, ici, est, avant tout, de vous donner accès à des sources d'informations bien plus riches et variées que ce qu'il est possible de faire pendant les heures de cours. Vous trouverez donc des images pour vous aider à visualiser des oeuvres d'art, des monuments dont nous serons amenés à parler sans toujours disposer d'illustrations à nous mettre sous les yeux, des extraits des textes d'auteurs dont traiterons, ainsi que de nombreux liens pour prolonger votre recherche et étancher votre soif de connaissances !

Vade feliciter ( en français, Bon voyage)

lundi 1 septembre 2008

le latin n'est pas mort, il bouge encore.

Combien de mots latins gigotent encore sur la langue française, et tout frétillant nous chatouillent sans répit la glotte, dégoisent en nos palais ? Franchement, ils n'ont pas dit leur dernier mot, et même si leur figure vieillotte ne nous dit parfois plus grand chose, leur frimousse cabossée, ou cabotine, leurs manières, leurs us antiques, ils nous parlent toujours, de choses et d'autres. Ils ont creusé leur lit dans nos mémoires secrètes, et roulé jusqu'à nous les riches alluvions des siècles passés à tenir la plume ou le crachoir.

En voici quelques-uns réunis, de ces mots, purement latins, ou portant haut leur origine, spécialement mis en scène ; et s'il est question de cuisine dans ce texte d'occasion, c'est aussi que, du latin d'église au latin de cuisine, balança longtemps le pendule qui depuis des lustres nous laisse humer le goût des ascendances, et perpétue le cours du latin, ad libitum.


L'imposante silhouette se tenait dans l'encadrement de la porte. Tandis que Junior, qui venait de l'introduire s'esquivait, refermant la porte derrière lui, l'homme s'avança. Tous les regards alors se tournent vers lui, tous les pontes assemblés, ce branlant cénacle écroulé en de lourds fauteuils, le dévisagent. Le quidam est attendu, c'est le futur contrat ; il a des références : "un as !" dixit Marco Rayle.

Trônant derrière son vaste bureau, Antonin, le cerveau de la bande, jauge de ses grands yeux froids cette carrure qui s'approche, placide, superbe, avec l'assurance insolente d'un alter ego, autoproclamé, de son immense personne.
Tous deux sont face à face, Antonin, et ce Caecilius, alias l' Alouette, seul le bureau les sépare désormais. Le geste est lent mais assuré, le regard grave et franc. Le silence total : la nouvelle recrue vient de tendre au patron son volumineux curriculum vitae. Dans l'assistance, personne a priori n'aurait pensé qu'il y avait là casus belli. On imaginait le cursus réglo. Mais le faciès du chef se contracta illico, à l'instar du félin excédé qui s'apprête à griffer. La moutarde lui montait au nez et, à l'évidence, ça allait crescendo : le poing in fine se lève et s'abat sur le bois du bureau. L'album aux belles photos de famille en perd l'équilibre et file sur la moquette ; idem pour l'agenda qui se réfugie piteusement sur les genoux de son maître. Y avait de la faille dans le consensus, le crédit de l'homme de main lorgnait dangereusement vers le déficit magistral, tendance collapsus irrémédiable. D'un ton cassant le grand maître brisa le silence :

"- Terminus l'Alouette, sacrée fripouille, billevesées que ces foutaises ! Ton prospectus de grande surface, on va te le mettre sous verre, et gratis ! Voilà qui te fera une jolie décoration post-mortem ! M'est avis que dans le style vademecum, comme viatique ad patres, genre ex-voto, ça doit ouvrir des portes. Le Tartare, tu connais ? Et pas le steak, hein ! Tu nous enverras des cartes postales. Vois-tu, y a des aleas fâcheux dans la contrefaçon.

- Je ne suis pas sûr de saisir toute la tirade.
- J'te résume, grosso modo : y a entourloupe ! y a trop de trucs là-dedans ! J'embauche des gens de confiance, moi. Je ne cherche pas une diva de l'imposture. Secundo, tu as oeuvré, dis-tu, pour Félix-le-Gourmet : impossible. Chez Fine-Bouche : impossible. A l'Apicius : impossible ! Et tu veux savoir pourquoi ? parce que ces trois-là, c'est moi. C'était mes pseudos, du temps de Montmartre et de la place Blanche.

- les références sont exactes, rétorqua posément l'accusé. Je peux tout prouver. J'ai tous les détails en tête, les documents sont dans ma poche. Il vous sera facile de vérifier.
- Mais c'est qu'il bisse le bougre ! Il nous en fait des duplicata de sa bonne blague ! Allez, confie-toi sans ambages : c'est ta matière grise ? c'est du fac-simile ? et tu pensais nous embobiner avec ce panneau grossier, tout mal cousu de fil blanc ? Ou c'est les poulagas qui t'envoient semer la zizanie ? Parle sans crainte mon brave..."

l'assistance fit entendre un murmure, comme un chien qui grogne quand son maître est menacé.
"- Qu'est-ce que c'est que ce tollé ? Dites-vous bien que je me gausse de vos quolibets.
- Alors c'est le nouveau virus à la mode ? On joue à se payer ma tête. Je t'affranchis tout de suite : ce genre de jeu, on pratique une fois, et on décroche vite la timballe, le super bonus, un beau visa pour les andouillettes... ça y est, j'me contrôle plus ! les oubliettes, un visa pour les oubliettes !

- Le lapsus est savoureux. mais sachez que j'ai bel et bien travaillé pour vous, et pour bien d'autres gens, d'ailleurs. Vous en doutez ? C'est que les apparences sont fragiles, et les voies du fatum des routes terriblement tortueuses. Ce que vous savez, vous ne le voyez pas, et vice-versa, ce que vous avez sous les yeux, vous ne le reconnaissez pas. Vous cherchez un maître queue pour votre croisière en famille ; vous exigez la perfection. Me voilà. Ne vous tracassez pas plus avant. Ne soyez pas tatillon. j'ai toujours traversé les cuisines et les époques incognito. Je suis la discrétion absolue, l'évanescence fugace qui seule sied au summum de l'art. Le deux es machina, en quelque sorte.