lundi 1 septembre 2008

le latin n'est pas mort, il bouge encore.

Combien de mots latins gigotent encore sur la langue française, et tout frétillant nous chatouillent sans répit la glotte, dégoisent en nos palais ? Franchement, ils n'ont pas dit leur dernier mot, et même si leur figure vieillotte ne nous dit parfois plus grand chose, leur frimousse cabossée, ou cabotine, leurs manières, leurs us antiques, ils nous parlent toujours, de choses et d'autres. Ils ont creusé leur lit dans nos mémoires secrètes, et roulé jusqu'à nous les riches alluvions des siècles passés à tenir la plume ou le crachoir.

En voici quelques-uns réunis, de ces mots, purement latins, ou portant haut leur origine, spécialement mis en scène ; et s'il est question de cuisine dans ce texte d'occasion, c'est aussi que, du latin d'église au latin de cuisine, balança longtemps le pendule qui depuis des lustres nous laisse humer le goût des ascendances, et perpétue le cours du latin, ad libitum.


L'imposante silhouette se tenait dans l'encadrement de la porte. Tandis que Junior, qui venait de l'introduire s'esquivait, refermant la porte derrière lui, l'homme s'avança. Tous les regards alors se tournent vers lui, tous les pontes assemblés, ce branlant cénacle écroulé en de lourds fauteuils, le dévisagent. Le quidam est attendu, c'est le futur contrat ; il a des références : "un as !" dixit Marco Rayle.

Trônant derrière son vaste bureau, Antonin, le cerveau de la bande, jauge de ses grands yeux froids cette carrure qui s'approche, placide, superbe, avec l'assurance insolente d'un alter ego, autoproclamé, de son immense personne.
Tous deux sont face à face, Antonin, et ce Caecilius, alias l' Alouette, seul le bureau les sépare désormais. Le geste est lent mais assuré, le regard grave et franc. Le silence total : la nouvelle recrue vient de tendre au patron son volumineux curriculum vitae. Dans l'assistance, personne a priori n'aurait pensé qu'il y avait là casus belli. On imaginait le cursus réglo. Mais le faciès du chef se contracta illico, à l'instar du félin excédé qui s'apprête à griffer. La moutarde lui montait au nez et, à l'évidence, ça allait crescendo : le poing in fine se lève et s'abat sur le bois du bureau. L'album aux belles photos de famille en perd l'équilibre et file sur la moquette ; idem pour l'agenda qui se réfugie piteusement sur les genoux de son maître. Y avait de la faille dans le consensus, le crédit de l'homme de main lorgnait dangereusement vers le déficit magistral, tendance collapsus irrémédiable. D'un ton cassant le grand maître brisa le silence :

"- Terminus l'Alouette, sacrée fripouille, billevesées que ces foutaises ! Ton prospectus de grande surface, on va te le mettre sous verre, et gratis ! Voilà qui te fera une jolie décoration post-mortem ! M'est avis que dans le style vademecum, comme viatique ad patres, genre ex-voto, ça doit ouvrir des portes. Le Tartare, tu connais ? Et pas le steak, hein ! Tu nous enverras des cartes postales. Vois-tu, y a des aleas fâcheux dans la contrefaçon.

- Je ne suis pas sûr de saisir toute la tirade.
- J'te résume, grosso modo : y a entourloupe ! y a trop de trucs là-dedans ! J'embauche des gens de confiance, moi. Je ne cherche pas une diva de l'imposture. Secundo, tu as oeuvré, dis-tu, pour Félix-le-Gourmet : impossible. Chez Fine-Bouche : impossible. A l'Apicius : impossible ! Et tu veux savoir pourquoi ? parce que ces trois-là, c'est moi. C'était mes pseudos, du temps de Montmartre et de la place Blanche.

- les références sont exactes, rétorqua posément l'accusé. Je peux tout prouver. J'ai tous les détails en tête, les documents sont dans ma poche. Il vous sera facile de vérifier.
- Mais c'est qu'il bisse le bougre ! Il nous en fait des duplicata de sa bonne blague ! Allez, confie-toi sans ambages : c'est ta matière grise ? c'est du fac-simile ? et tu pensais nous embobiner avec ce panneau grossier, tout mal cousu de fil blanc ? Ou c'est les poulagas qui t'envoient semer la zizanie ? Parle sans crainte mon brave..."

l'assistance fit entendre un murmure, comme un chien qui grogne quand son maître est menacé.
"- Qu'est-ce que c'est que ce tollé ? Dites-vous bien que je me gausse de vos quolibets.
- Alors c'est le nouveau virus à la mode ? On joue à se payer ma tête. Je t'affranchis tout de suite : ce genre de jeu, on pratique une fois, et on décroche vite la timballe, le super bonus, un beau visa pour les andouillettes... ça y est, j'me contrôle plus ! les oubliettes, un visa pour les oubliettes !

- Le lapsus est savoureux. mais sachez que j'ai bel et bien travaillé pour vous, et pour bien d'autres gens, d'ailleurs. Vous en doutez ? C'est que les apparences sont fragiles, et les voies du fatum des routes terriblement tortueuses. Ce que vous savez, vous ne le voyez pas, et vice-versa, ce que vous avez sous les yeux, vous ne le reconnaissez pas. Vous cherchez un maître queue pour votre croisière en famille ; vous exigez la perfection. Me voilà. Ne vous tracassez pas plus avant. Ne soyez pas tatillon. j'ai toujours traversé les cuisines et les époques incognito. Je suis la discrétion absolue, l'évanescence fugace qui seule sied au summum de l'art. Le deux es machina, en quelque sorte.

3 commentaires:

Anonyme a dit…

Le blog est très intéressant mais il manque un peu de couleur et d'attractivité...

Anonyme a dit…

waouh c'est super bien fait

Anonyme a dit…

Le latin est très présents dans le langage scientifique non ?